1
Toi, ma belle
Toi, ma belle, en qui dort un parfum sacrilège
Tu vas me dire enfin le secret de tes rires.
Je sais ce que la nuit t'a prêté de noirceur,
Mais je ne t'ai pas vu le regard des étoiles.
Ouvre ta bouche où chante un monstre nouveau-né
Et parle-moi du jour où mon cœur s'est tué !…
Tu vas me ricaner
Ta soif de me connaître
Avant de tordre un pleur
En l'obscur de tes cils !
Et puis tu vas marcher
Vers la forêt des mythes
Parmi les fleurs expire une odeur de verveine :
Je devine un relent de plantes en malaises.
Et puis quoi que me dise ma Muse en tournée,
Je n'attendrai jamais l'avis des moissonneurs.
Lorsque ton pied muet, à force de réserve,
Se posera sur l'onde où boit le méhari,
Tu te relèveras de tes rêves sans suite
Moi, j'aurai le temps de boire à ta santé
2
BONJOUR
Bonjour ma vie
Et vous mes désespoirs.
Me revoici aux fossés
Où naquit ma misère !
Toi mon vieux guignon,
Je te rapporte un peu de cœur
Bonjour, bonjour à tous
Bonjour mes vieux copains ;
Je vous reviens avec ma gueule
De paladin solitaire,
Et je sais que ce soir
Monteront des chants infernaux…
Voici le coin de boue
Où dormait mon front fier,
Aux hurlements des vents,
Par les cris de Décembre ;
Voici ma vie à moi,
Rassemblée en poussière…
Bonjour, toutes mes choses,
J'ai suivi l'oiseau des tropiques
Aux randonnées sublimes
Et me voici sanglant
Avec des meurtrissures
Dans mon cœur en rictus !…
Bonjour mes horizons lourds,
Mes vieilles vaches de chimères :
Ainsi fleurit l'espoir
Et mon jardin pourri !
- Ridicule tortue,
J'ai ouvert le bec
Pour tomber sur des ronces
Bonjour mes poèmes sans raison
3
POUSSIÈRES DE JUILLET
Le sang
Reprend racine
Oui
Nous avions tout oublié
Mais notre terre
En enfance tombée
Sa vieille ardeur se rallume
Et même fusillés
Les hommes s’arrachent la terre
Et même fusillés
Ils tirent la terre à eux
Comme une couverture
Et bientôt les vivants n’auront plus où dormir
Et sous la couverture
Aux grands trous étoilés
Il y a tant de morts
Tenant les arbres par la racine
Le cœur entre les dents
Il y a tant de morts
Crachant la terre par la poitrine
Pour si peu de poussière
Qui nous monte à la gorge
Avec ce vent de feu
N’ enterrez pas l’ancêtre
Tant de fois abattu
Laissez-le renouer la trame de son massacre
Pareille au javelot tremblant
Qui le transperce
Nous ramenons à notre gorge
La longue escorte des assassins